Journal, juin 2020

2 juin

Quand je serai directeur de l’ORW je transposerai « Murder she wrote » d’Agatha Christie à la scène, avec Laurence Dale en Miss Marple (notre photo), bonnet de dentelle de Dries van Noten, mise en scène de Paolo Sorrentino dans des décors de Mies van der Rohe et de Rem Koolhaas, musique de Camille Pépin pour piano préparé, ravanastron, positif et bombardon chromatique.

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Suis-je le seul à ne pas pouvoir terminer un seul épisode de Mindhunter parce que je m’évanouis tellement Jonathan Groff est beau et puis quand je reprends conscience je retombe dans les pommes tellement il est toujours beau et enfin, après que quelqu’un ait consenti à me tapoter la main suffisamment longtemps pour que je revienne à la vie, je me dis « il est beau mais il ressemble très fort à Emmanuel Macron » puis je retombe à la renverse dans des fumeroles vaporeuses de testostérone et d’ambroisie.

5 juin

Je suis fasciné par la novlangue, par ces expressions que tout le monde se met à utiliser indistinctement. Ce matin un politicien parlait des contacts « bilatéraux » qu’il avait pris ; désormais chacun est « impacté » par quelque chose ; sans parler des problèmes qui sont tous « systémiques ». Quand j’étais jeune, il n’y avait pas toutes ces originalités-là. La vie était plus simple. On regardait Alf en mangeant des cha-cha.

7 juin

Amusé par les torrents de haine suscités par cette minuscule petite archive de Pierre Boulez qui critique la musique baroque. J’ose à peine imaginer ce que les belligérants diront quand ils ouvriront les livres de l’intéressé et qu’ils découvriront qu’il a craché sur environ la moitié de l’histoire de l’art occidental. Et les mêmes vilipenderont sa musique sans en avoir écouté le début du commencement d’une mesure. Mise-en-échec de la réflexion et de la distance au profit du jaillissement instinctif d’une parole de haine.

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Pour mes 40 ans je vais m’offrir la seule chose qui manque réellement à ma vie : un hamster. Il s’appellera Helmut Lachenmann et il composera de la musique concrète en tournant dans sa petite roue.

9 juin

Je viens d’écouter Coptic Light de Morton Feldman enregistré par l’ORF à Vienne (oui, ils ont encore leur orchestre, eux) et j’ai adoré ce mantra opiniâtre de tresses sonores. On pense aux BO de Mica Levy pour Pablo Larraìn où l’écriture orchestrale semble constituée d’éclaircies.

22 juin

Ce soir je dîne avec Wim Wenders.
Wim Wenders a réalisé une interview géante du Pape François.
Le Pape François est en colloque permanent avec Dieu. Ce soir, donc, je dîne avec Dieu.

23 juin (veille de 40 ans)

Dans l’idéal romanesque il y a d’une part ceux qui meurent avant quarante ans et dont l’existence est infusée de panache et de gloire et il y a d’autre part ceux qui meurent après quarante ans, qui en arrivent à perdre leurs cheveux, leurs dents, leur vision, leur prostate, leurs amis, leurs économies dans des résidences impayables et sordides mais qui rigolent bien du sort de Julien Sorel quand même.

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Il suffirait que je fasse avant minuit un gigantesque arrêt cardiaque assorti de convulsions terribles pour que vous vous mouchiez sur ma tombe en disant « quelle déveine ! Un homme si jeune de même pas quarante ans, enlevé à notre affection si vive ». Alors que le même infarctus, deux heures plus tard, me vaudrait à peine un « c’était un vieillard, il était très âgé. Son heure était venue, voilà tout »

24 juin

Je prends connaissance d’un profilage de l’électeur-type de Donald Trump qui serait un homme, blanc, sans diplôme et en surpoids. Je tiens à faire savoir que tous les hommes blancs, en surpoids et sans diplôme ne votent pas Trump. Personnellement j’accorde toute ma confiance à Nancy Reagan.

29 juin

Les automobilistes étaient dans un tel état de rage aujourd’hui à Bruxelles que je considère ma survie comme miraculeuse et ointe de Sainteté et de Mystère.

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