Nous avons en nos bureaux un terroriste fécal. C’est un immeuble qui abrite une centaine d’entreprises. Chaque jour, les planches de nos vécés voient défiler sur leurs pistes blafardes un nombre fameux de paires de fesses moites et indignes. J’y fais parfois pipi, plus rarement caca, en raison des salmonelles qui s’y promènent et n’attendent que mon derrière pour se livrer aux coups pendables dont la nature les a missionnées. Il y a trois mois est apparu un terroriste fécal. Sous cette appellation arbitraire se cache un homme malade. Malade, car il n’est pas sain de projeter ses déjections au-delà de la cible conventionnalisée qu’est le trou des vécés. Malade, car ladite projection dépasse de loin la ligne imaginaire du bassin et se retrouve -au gré de vents favorables- parfois à la droite du plafonnier, parfois sur le chambranle de la porte. Un peu partout. Malade, car il n’éparpille pas ses déjections à la main, artisanalement comme un homme des cavernes, offrant à sa matière le profil d’un bison ou d’une gazelle de Speke. Celle-ci, au contraire, s’imprime sous forme de gouttelettes hystériques, comme si mon terroriste fécal, à défaut de vouloir causer du tort à la communauté, était doté d’un appareil digestif aux velléités artistiques. De là la question : les sphincters peuvent-ils se désolidariser du système nerveux central, dans une sorte de mouvement de révolte menant à leur indépendance artistique ? Un anus peut-il se prendre pour Mondrian et vivre une vie d’artiste aux dépens et au préjudice de son propriétaire ? Oh, bien sûr, une approche plus rigoureusement empirique m’obligerait à partir des traces de merde, à en étudier l’étendue et à en mesurer l’acheminement. Peut-être même, sur base de l’impactage, pourrais-je déterminer la vitesse moyenne de croisière et le lieu exact, au millimètre près, de la déflagration originelle ? Partant de là, rectocolite hémorragique, maladie de Crohn, les scenarii défileraient innombrables sous mes yeux et à la manière d’Hercule Poirot, je convoquerais une assemblée de suspects. Sur base de leur bilan de santé, je pointerais mon doigt sénatorial, superbe et inflexible, vers le coupable. Celui-ci serait emmené, penaud et contrit, vers un service de gastro-entérologie-comportementale voué à l’étude de son seul cas et serait disséqué vivant pour le bien de tous et plus particulièrement de la communauté. Les vécés, les salmonelles, les planches albumineuses retrouveraient alors leur tranquille office, celui d’offrir aux terriens un cadre sécurisant pour leurs impérieux versements.
Publié par camille de rijck
Camille De Rijck lance en 1999 le site Forumopera.com dont il est, aujourd’hui encore, directeur de la publication. Le site est le premier média francophone consacré à l’opéra et compte environ 180.000 visites mensuelles. Co-directeur artistique du label Cypres de 2006 à 2015 il intervient en qualité de producteur exécutif sur des enregistrements de La Monnaie, de José van Dam et de l'Opéra de Paris. Dans ce cadre, il produit et rassemble l’ensemble des enregistrements du compositeur Philippe Boesmans dont il est l’un des grands spécialistes. Sur Musiq3 – chaîne classique et culture de la RTBF – il produit et anime Chambre avec vue chaque jour de la semaine ainsi que La Conversation. Sur cette même chaîne on le retrouve chaque lundi à 8h35 pour Le Moment Musical. Sur La Première (RTBF) il est chroniqueur culturel dans l'émission Déclic. Entre 2014 et 2019 il présente chaque année le Concours Musical International Reine Élisabeth à la télévision et à la radio. Il réalise de nombreux portraits et documentaires radiophoniques, notamment sur l'écrivain américain Paul Bowles. Il est collaborateur des hebdomadaires Le Vif / L'Express et Diapason où, depuis 2018 il réalise de grands portraits d'artistes. Il écrit de nombreuses notices discographiques pour Harmonia Mundi, La Dolce Volta, NoMadMusic, Deutsche Grammophon, Hyperion, et Naïve. Il écrit des textes pour La Monnaie, l’Opéra National de Paris et le Festival International d’Aix-en-Provence. Il publie en 2017 un livre d'entretiens avec Christophe Rousset (« Pour que l'instrument chante » / Philharmonie de Paris) et, à l'occasion de ses 70 ans, un livre d'entretiens avec Philippe Herreweghe (Phi). Il est avec Sylvain Fort directeur de collection de Via Appia, livres sur la musique développée au sein du groupe Humensis. Paraîtront dans ce cadre un livre de René Jacobs sur Mozart et un livre de Jean-Guihen Queyras sur les Suites de Bach. En 2019, il donne des conférences à l’Université de Bologne et à l’Université de Genève sur le journalisme musical. En 2020 il intervient devant la classe de direction musicale d’Alain Altinoglu au CNSDMP dans le cadre d’un media training. En 2020, il devient professeur à l’Institut Royal de Musique et de Pédagogie (Namur) où il anime un classe de séminaires et d'introduction au cinéma. Camille De Rijck est Chevalier des Arts et des Lettres de la République Française. Voir tous les articles par camille de rijck