Comme Luciano Pavarotti, Marcel Bléfort est sorti un jour du Conservatoire, son diplôme en main. Comme Luciano Pavarotti, ce morceau de papier eut sur l’humeur de Marcel Bléfort un empire formidable, promesse d’avenir, de succès, de femmes et de bravi tonitrués depuis les cintres. Et si Marcel Bléfort, aujourd’hui, vit heureux dans son pavillon Clamartois, entouré de chats et de poinsettias alors que Luciano Pavarotti est mort d’un cancer du pancréas qui lui aura donné mal au ventre et lui aura fait vomir jusqu’au dernier de ses linguini, Marcel Bléfort n’en est pas –pour autant- un homme heureux. Car si, comme Luciano Pavarotti, Marcel Bléfort est un chanteur, contrairement à Luciano Pavarotti il est un chanteur de sixième zone, de ceux qu’on engage pour signaler que madame est servie et qui se demandent, au premier jour des répétitions, si le metteur en scène ne va pas plutôt les renvoyer dans leur chœur avec une moue de dédain qu’on n’aurait pas pour un lama galleux. Le jour où un producteur de la Decca proposa à Luciano Pavarotti de compiler sur un disque ses airs préférés issus du catalogue des chansons doucereuses, la serveuse du resto-grill de Clamart-sur-le-Don proposa à Marcel Bléfort de prendre deux fois des moules (pour le même prix). Et le jour où Luciano Pavarotti poussa, en Galicie, un contre-ut tellement long qu’une demi douzaine de femmes s’évanouit, Marcel Bléfort dût changer son joint de culasse, pièce rare sur les Skoda de 1987. À contrario, le jour où son oncologue annonça à Luciano Pavarotti qu’il ne passerait pas l’hiver, le docteur Vreuls perça un panaris à Marcel Bléfort, ce dont il se félicita longuement. Mais tout de même, quand Luciano Pavarotti emmena son épouse, ses filles, son frère Rocco et ses cuisiniers en tournée au Japon, Marcel Bléfort proposa à Alice, sa belle fille rachitique, de l’accompagner au Parc Astérix de Valieusain, où l’Obéliroue était en panne. Mais quand Marcel Bléfort poussa enfin son dernier soupir, il n’y eut pas à ses funérailles de Bocelli pour chanter, de Mirella Freni pour pleurer et de Sting pour se moucher, tout juste y eut-il la serveuse du resto-grill de Clamart-sur-le-Don pour se demander ce qu’elle ferait de toutes ses moules.
Publié par camille de rijck
En 1999, Camille De Rijck lance Forumopera.com dont il est, aujourd’hui encore, co-directeur de la publication. Co-directeur artistique du label Cypres de 2006 à 2015 il intervient en qualité de producteur exécutif sur des enregistrements de La Monnaie, de José van Dam, de Sophie Karthäuser et de l'Opéra de Paris. Dans ce cadre, il produit et rassemble l’ensemble des enregistrements du compositeur Philippe Boesmans dont il est l’un des grands spécialistes. Sur Musiq'3 - la chaîne classique et culture de la RTBF - il produit et anime Demandez le programme chaque jour de la semaine ainsi que la Table d'écoute - tribune des critiques - le dimanche à 16h00. Sur cette même chaîne on le retrouve chaque matin à 8h35 pour Le Moment Musical. Sur La Première (RTBF) il est chroniqueur culturel dans l'émission Soir Première. Depuis 2014 il présente chaque année le Concours Musical International Reine Élisabeth en télévision et en radio. Il réalise de nombreux portraits et documentaires radiophoniques, notamment sur l'écrivain américain Paul Bowles. Il est collaborateur des hebdomadaires Le Vif / L'Express et de Diapason. Il publie en 2017 un livre d'entretiens avec Christophe Rousset ("Pour que l'instrument chante" / Philharmonie de Paris) et, à l'occasion de ses 70 ans, un livre d'entretiens avec Philippe Herreweghe (Phi). Avec Sylvain Fort il est directeur de collection de "Via Appia", "Via Toledo" et "Grand Socco", trois collections de livres sur la musique développées au sein du groupe Humensis. En 2019, il donnera des conférences à l’Université de Bologne et à l’Université de Genève sur le journalisme musical Voir tous les articles par camille de rijck