La violoniste, le douanier et le Consul Honoraire

L’Europe est un drôle d’endroit où il ne fait pas toujours bon être musicien. Ainsi, la violoniste japonaise Yuzuko Horigome s’est-elle vue saisir son instrument, d’une valeur estimée à 1 million d’euros, par l’office des douanes allemandes dignement représentée par un douanier zélé et moustachu au prétexte qu’elle n’avait pas déclaré ledit instrument audit officier zélé.

L’histoire serait cocasse si les douanes allemandes n’entendaient pas garder le précieux Guarnerius de Gèsu jusqu’au paiement complet d’une pénalité fixée unilatéralement à 190.000 euros. En attendant, nul ne connaît le sort de l’instrument qui, pour peu, se retrouvera entre les mains de l’enfant du douanier, une revêche petite blonde assurément prénommé Gunhilde, qui le soumettra à ses exercices de gammes, les doigts enduits de Nutella et de Pastaschlumsi.

À quelques encablures de là, dans une ville Belge ou Suisse, on apprend qu’un célèbre directeur d’orchestre est nommé, en sus de ses prestigieuses fonctions, Consul Honoraire de France auprès de ses administrés. Or, on ne m’empêchera pas de dire que si la France avait dirigé ses velléités honorifiques vers madame Horigomé plutôt que vers Monsieur X, celle-ci aurait pu passer la douane allemande l’esprit tranquille, grâce à son passeport diplomatique. Elle aurait même pu la passer en sifflant, en faisant des acrobaties — un triple salto arrière — elle aurait pu adresser au fameux représentant de toute autorité un geste de la main, l’invitant à aller se faire cuire un oeuf, elle aurait pu lui tirer la barbe, lui pincer les fesses. Elle aurait même pu passer la douane avec sa collection complète de bugles, en en jouant et en lâchant des colombes comme Rémi Brica, l’homme orchestre qui a echanté six générations d’enfants avant de finir en prison pour recel et abus de biens sociaux (information fantaisiste participant au relief du flux narratif).

Mais ce n’est pas Madame Horigome le dépositaire du précieux passeport diplomatique. Plutôt que de confier cette charge à une violoniste en péril, voilà que la République accable un besogneux officier culturel, déjà bien occupé. Celui-là même qui déjà bataillait contre des syndicalistes hirsutes et malodorants, de cette gauche répugnante qui entend sentir le saucisson et le café au lait. Voilà en plus qu’il devra les recevoir coiffé du tricorne cérémonial et harnaché d’une croix de malte, épinglé de mille décorations et moulé dans son costume de Grand Officier dessiné par Orlando di Lambertazzi (voir notre illustration) ? La simplicité qui lui était chère est désormais un lointain souvenir, car ses employés doivent à présent quitter son bureau à reculons, en pleurant et en affichant un air de grande et de sincère terreur. C’est l’étiquette qui le veut. Quel embarras ! Partout — chez Carrefour, chez Franprix, chez Monsieur Bricolage — un garçon d’écuries suivra l’habile Diplomate avec un brouette remplie de médailles méritoirement acquises dont il ne pourra jamais se déparer de peur d’offenser la République.

Deux destins contrariés, impactés par l’Europe des administrations qui ne sait plus quoi inventer pour compliquer l’existence de ses valeureux citoyens.

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