Marc Wilmots et le Sacre du printemps

Hier soir, après le calamiteux 0-2 concédé par nos chers Diables Rouges, des commentateurs sont sortis de leurs réserve. (Les commentateurs ce sont ces gens que l’on installe sur les plateaux de télévision ou derrière nos chers micros de la RTBF et qui donnent leur avis parce qu’on le leur demande.) L’un d’entre eux, parmi les plus brillants, avec une hauteur infinie que ne désavouerait pas Octavien de Saint-Gelais lui-même, déclara avec délice « Fin de la supercherie Wilmots ».

Oui, car selon ce commentateur, notre coach – l’homme qui sur ses larges épaules porte depuis quatre ans les espoirs d’un peuple aussi fébrile que démantibulé ; Marc Wilmots ne serait rien d’autre qu’une supercherie.

Vous me direz que ce commentateur y va fort, qu’il y a quatre ans à peine l’équipe Nationale Belge écumait les tréfonds du classement FIFA aux côtés du Lesotho et de la principauté d’Andorre, que l’idée même de marquer un but lui semblait un concept abstrait comme à une guenon l’édification de  la tour de Pise en Lego et que depuis, notre équipe nationale est toute rutilante, auréolée d’un quart de finale à la World Cup et de la fréquentation pérenne du haut du classement FIFA où désormais un bon milliard de points la sépare du Lesotho et de la Principauté d’Andorre.

Pensez donc qu’il y aurait lieu d’objectiver les lauriers qui coiffent l’impénétrable tête de notre coach, ancien sénateur MR qui eut jadis l’honnêteté de reconnaître que les velours épais et sournois de notre curie vermillonne – et les débats qui s’y tenaient en français et en néerlandais – avaient pour lui d’imprenables secrets ; sa mission terrestre étant ailleurs, sur les verts gazons du Heysel, par exemple, où s’entraînent nos Diables.

Et voilà qu’un mauvais match, contre l’un des ténors du football vaudrait à Marc Wilmots – comme jadis à Winston Churchill – d’être désavoué par les commentateurs qui perchés sur leurs perchoirs font et défont une opinion généralement ravie d’être faite et défaite. C’est là pure vanité de poseur qui espérant trouver une place dans l’histoire se dépêche de donner le premier coup de pied à celui qu’il souhaite voir dégringoler la roche tarpéienne afin de pouvoir hurler – fier et conquérant : « voyez cette supercherie rouler dans le gravier navré des collines romaines et souvenez-vous que, le premier, j’en avais prédit la fin ».

Heureusement, la musique semble échapper au jeu des spéculateurs et les instrumentistes sont jusqu’ici plus ou moins libres d’aller et de venir sur scène sans risquer l’excommunication. Imaginez, il y a quelques années, au Concours Reine Élisabeth, que Nikolaj Znaider ait lu l’avis d’un commentateur fameux qui lui prédisait la plus douloureuse infortune. Aurait-il joui moins intensément du premier prix qui lui fut remis au nez et à la barbe de l’expert inexpert ? Je l’ignore. Ce que je sais c’est que grâce au ciel, en musique, l’avis des critiques et des commentateurs – le mien en premier lieu – tout le monde s’en fout complètement, non par mépris – évidemment – mais parce que la fréquentation quotidienne d’œuvres géniales  – Traviata, Carmen, le Sacre du printemps -, torpillées par une presse unanime lors de leur création, nous rappelle que le critique est un Auguste larmoyant qui voudrait que les feux de la rampe rougissent ses joues et qui, à défaut d’attention, à défaut d’applaudissements, agite ses bras dans tous les sens en un grand cris désespéré qui ne dit rien d’autre que « eh, moi aussi j’existe ».

Vanitas vanitatum omnia vanitas.

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