Marianne Faithfull

Il y a un temps pour toutes choses. Ainsi, dans les années 60, Marianne Faithfull avait largement de quoi poser nue, languide et oisive, l’oeil éteint en une moue dédaigneuse. Être une icône, c’est quelque chose, ça ne se galvaude pas. Ainsi la voyait-on, un tatouage sur les peaux molles de la main tenant Mick Jagger par l’épaule, souriant aux aurores de sa vie étincelante, souriant aux dollars, aux paillettes, aux rails de coke, embrassant la vie comme on mange un melon, avec l’auxiliaire tourné vers les nuages. Aujourd’hui, Marianne Faithfull a largement dépassé la soixantaine. Elle a de la chance, car elle est de celle dont les années ont fait une légende, elle est de celles qui s’expriment sans faire rire les jeunes, lesquels l’aiment et l’idolâtrent, comme vestige d’une époque révolue: la preuve, Cliff Richards est récemment tombé d’un cocotier, provoquant l’annulation d’une tournée des Stones. Que fait un vieillard dans un cocotier si ce n’est se prouver qu’il n’est pas encore trop faisandé ? Faisandée, Marianne Faithfull l’est bien un peu, désormais, il faut dire ce qui est. La voir arriver sur la scène de l’Ancienne Belgique est un déchirement. Pour qui a en mémoire les covers de ses derniers albums, photoshop apparaît comme une évidence. La blonde mûre et élégante a désormais des airs de matrone contrariée, de celles qui viendraient de constater que le gigot a cuit une heure de trop. Mais qu’à cela ne tienne, la voix rauque et glaireuse est là, elle et c’est pour ça qu’on a payé. Public kaleidoscopique de vieux soixante-huitards en Ralph’ qui viennent montrer à leur jeune épouse que leur époque savait aussi s’amuser, de designers flamands en jeans serrés taille basse qui dandinent leur cul au rythme des didgeridoos, de ménopausées malodorantes qui trainent leur solitude là où pinne il y a. Marianne est un peu ridicule quand, à la façon de Johnny Rotten, elle tend les bras, deux doigts en l’air et fait la jeune. Il est des images qui ne passent pas, il est des corps qu’il ne faut plus agiter, même de soubresauts rythmiques. Il est des corps qui appellent l’immobilité cotonneuse d’une petit tarpé. Mais quand retentissent les premiers accords de Crazy Love, manifeste co-écrit par Nick Cave, alors surgissent les sirènes de la pop britannique, alors Marianne se refait-elle une beauté, alors Marianne nous rappelle-t-elle qu’une idole survit toujours à ses fanons, comme la Joconde se rit de ses joues craquelées en des éclats sonores et scandaleux.

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