#CMIREB2014 : les regrets et les joies

ob_3fca7e_538a58823570e4e6505fe246On ne soulignera jamais assez l’extrême fragilité d’un palmarès de Concours de chant. Plus qu’aucune autre, cette discipline est impactée par une sérié d’aléas qui ont un empire considérable sur le résultat. Le chanteur étant son propre instrument, la moindre méforme, la moindre insomnie, le moindre doute peut faire s’affaisser à la fois l’interprète et l’instrument.

Hier, c’est une candidate incontestable qui a raflé la place de premier lauréat. Sumi Hwang – toute de grâce et de naturel – est parvenue à donner l’illusion de la plus grande simplicité, sur les bases d’une technique impressionnante et d’une maîtrise qui doit être saluée. Les étranges scories qui avaient affecté son chant en demi-finale ont heureusement été mises de côté par le jury et abstraction faite d’une attaque en queue de poisson dans son air de Louise, l’artiste a été éblouissante dans un programme ambitieux, ponctué d’un Strauss magistral.

Alors, quels regrets ? Celui – d’abord – d’avoir perdu quelques interprètes intéressants dès le premier tour. Les voix les plus dramatiques ayant été décapitées au profit d’instruments mieux polis. L’Isolde insolente de la camerounaise Elisabeth Moussous résonnera encore longtemps dans mes oreilles, une élimination qui nous a privé d’une personnalité musicale intrigante et de la seule africaine de la compétition.

En demi-finale, le ténor coréen Kim Junghoon a atomisé nos considérables espoirs en massacrant Bach au pic à glace. Cet artiste, fait pour l’éclat et l’écorce du répertoire spinto s’est complètement fourvoyé dans le répertoire liturgique. Dommage – vraiment – car l’instrument et la personnalité méritaient une place en finale, où ils auraient retrouvé Verdi, Puccini et Massenet, des compositeurs autrement adaptés à la plastique vocale du coréen.

En finale, on aura assisté impuissants au naufrage de Yoo Hansung, baryton plastique et bronzé – mais aussi jeune papa épuisé – qui s’est tiré une balle dans le pied en optant pour un récital pantagruélique. L’aigu perdra de son assise dans les imprécations du Mahler le plus extrême de tout le répertoire, finira de vaciller dans Gounod et disparaîtra complètement dans Rossini. Pourtant, tout le monde reste conscient que cet artiste – sans ce faux pas – avait sa place sur le podium. Dans une moindre mesure, la très belle basse Levente Pall, a – elle aussi – été victime d’un mauvais choix de programme. Deux artistes de premier plan, techniquement solides et voués sans aucun doute à une belle carrière, s’en sont vus balayés sans autre forme de procès.

Comme Hyesang Park a été mal payée de son parcours sans faute. Cette cinquième place est peut-être la plus grande injustice du palmarès. Quelques notes d’une Sonnambula extatique permettent de mesurer l’intelligence musicale de la jeune femme. À la perfection d’un instrument insolent, puissant, capable des pires cabrioles pyrotechniques, se greffe l’instinct de la musicienne, le phrasé qui ne s’apprend dans aucune école, le galbe et la délicatesse du mot. Tout dans son chant respire l’intelligence, la musique et le travail. Sumi Hwang était sa seule rivale, la jeune Jodie Devos avait sa place dans leur illustre sillage, la discrète Daniel Gerstenmeyer aurait pu être hissée dans la première partie du classement au détriment d’instruments moins intéressants que le sien, mais ainsi vont les concours. Et dans dix ans, tous ces oisillons auront fait des plumes, reste à voir qui volera le plus haut.

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