Mon père, le cher homme (ahem), qu’il repose en paix, s’est toute sa vie battu contre la maniaco-dépression. « Battu » n’est sans doute pas le terme idoine car son approche thérapeutique se limita à hausser les épaules et à dire que si sa vie était nulle, c’était la faute aux autres.
Il avait grandi dans une petite famille d’ouvriers de Ninove où, parler à un psy, c’était pour les fous. Et encore, les cas les plus dangereux. Donc pour papa, c’était six mois de projets fous et démesurés et six mois d’abattement. On le retrouvait trempant des tartines au gouda dans son café, dans un vieux peignoir bleu, dès cinq heures du matin. Après, il grommelait et ainsi se déroulait sa journée.
Longtemps j’ai eu peur d’être dépositaire de la meme maladie. Heureusement pour ses neuf enfants, qui sont tous plus ou moins dingues, aucun ne se révéla bipolaire. Mais, comme un bibelot hérité du vieux Mon De Rijck, il m’arrive une fois tous les deux ans d’être complètement down.
Là, la simple idée de mettre des chaussettes me semble inaccessible (il suffit de ne pas mettre de chaussettes, me répondront les plus observateurs), répondre à un mail, ou au téléphone relèvent du chemin de croix. Le seul acte que je m’impose, avec des baffes s’il le faut, c’est de me brosser les dents et d’écrire quelques lignes, car il en va de ma dignité.
Les pays anglo-saxons ont des journées qui permettent de raiser le level of awareness sur les maladies mentales. J’ai un peu tendance à me moquer de ces initiatives. Mais si ça sensibilise des parents à soigner leur enfant qui traîne ses savates dans un peignoir délavé, alors I’m in.
